lundi 11 septembre 2017

Dossier du Bateau




Aïe, ces corniauds du boncoin ne permettent pas de pièces jointes sur les annonces! 
Alors je met en images ici le pdf du dossier pour le bateau...

























mardi 15 août 2017

Le tangaroa est en vente

Ca-y est, on commence à se rapprocher de la fin du voyage. Nous avons mis le voilier en vente. L'annonce est ici:


https://www.leboncoin.fr/nautisme/1149765869.htm





Une vidéo qui montre le bateau:



Et voici le dossier en pdf avec des photos et des explications: https://sarajeromezahir.blogspot.com/2017/09/dossier-du-bateau.html



jeudi 13 juillet 2017

Nouméa 16 juin
Nous quittons les kiwis, hommes et oiseaux pour retrouver les cagous de Nouvelle Calédonie.
Sur les quais de port Moselle,ce soir, il y a ambiance, les voitures klaxonnent et musique forte sur la capitale nouméenne.
J'ai passé 2 semaines assez chouettes avec Zahir, besoin d'une période d adaptation et me voilà tout juste qui commence à apprécier la distance avec la famille, on prend du recul, on se construit, on s habitue, on est indépendant et on se sent fort, citoyen du monde, capable de s'adapter partout...On profite du vélo de Céline pour sillonner les baies de Nouméa, de Magenta à Anse Vata puis baie des Citrons et baie de L'orphelinat, une baignade, les derniers avocats de Maré et nous voilà repartis! On découvre le parc forestier et les cagous. Les roussettes en quarantaine, la forêt sêche et humide, les gens qui vivent en brousse dans des campements, habitats faits de bric et de broc, quasi bidonville parfois.
Une randonnée le dimanche avec la famille d'accueil dans la vallée de Dumbéa, c'est vert, c'est rouge, il y a l'eau de la rivière émeraude et les niaoulis, j en fais des tisanes.
Puis nous quittons la ville pour Koné, chez une autre Céline, copine de Wilderland. 
Sur la côte ouest, après un peu de verdure pres de Nouméa, les paysages sont secs, c'est presque la savane africaine!
Et là sur Koné,  le festival du conte nous attend avec des ateliers pour découvrir les coutumes, la musique et les danses, le tressage, les plantes traditionnelles , la purée kanak à base d igname sauvage. Il ya les tantines qui amusent Zahir et les nouveaux copains.
Puis une sortie autour des plantes qui soignent s organise sur la côte est, plus tropicale, plus arrosée, bordée de cocotiers, hibiscus et nonni. Je cueille quelques feuilles et racines, et rêve de me soigner comme ça en cueillant!
Je me régale de découverte en découverte.
Puis Jérôme arrive, traversée difficile...après quelques courses, la visite du musée de la ville, nous repartons pour l'île des Pins avec quelques arrêts sur les fameux îlôts qui entourent la grande Terre, sur l'ilôt Maître, c'est le lieu de reproduction des tortues vertes, on en voit beaucoup!
Puis balade sur l'ilôt Casy, entre terre rouge et sèche, cycas géant, végétation tropicale
L'île des Pins approche, nous arrivons au moment d'un coucher de soleil magnifique et apaisant, entouré par des voiliers australiens...Le sable blanc est si fin, Zahir semble particulièrement apprécier.
L'île est agréable, un petit paradis, nous sommes sur la baie de Kanuméra et le premier matin, nous profitons du marché, Zahir est gâté, Hélène, une mémé kanaque lui offre papaye et gâteau...mais c'est l'hiver et les fruits manquent!
La piscine naturelle entourée de pins est surréelle.
Jérôme rencontre Steeve qui aurait pu nous ouvrir les portes gastronomiques de l'île...et nous faire baigner dans l'ambiance des tribus kanaky. Mais il ne vient pas au rendez vous fixé!
Le bateau de croisière débarque chaque semaine avec son flots de touristes, des milliers de personnes qui déambulent un peu comme des zombies, pour quelques heures... Il faut préparer les cocos et les grillades de langoustes! J'aide Théodora à vendre ses quelques pommes lianes.
La fête de la musique nous permet aussi de rencontrer les locaux ou expats. De chouettes échanges. Je fais le tour de l'île à vélo, visite la grotte de la reine Hortense, qui s'était réfugiée là, alors que les hommes voulaient la chasser en n'acceptant pas une femme chef de tribu. Ascension du pic Nga et balade autour de la péninsule de Kuto.
Ici, j'ai l'impression qu'il faut rester longtemps pour que les locaux aient envie de tisser des liens mais pas trop, la jalousie peut s'installer vite.
Puis traversée vers Lifou.
La traversée: je reste dans le cockpit avec Zahir contre moi, le vent, les vagues et le clair de lune. J'évite ainsi le mal de mer!
A Lifou, nous commençons par le marché, les marchands viennent des tribus vendre leur récolte pour avoir quelques pièces. Nous rencontrons Bernadette, une mamie douce et bienveillante qui nous invite au mariage de sa nièce à Maré mais il faudra dormir dans des cases. J'y serai allée mais nous avons décidé de rentrer en France pendant la saison des mariages! Et les mariages devant lesquels nous passons ne m'attirent pas trop, le côté traditionnel semble perdu au fond des âmes complètement imbibées d'alcool...la musique et les danses tribales ne se font plus...il reste la coutume avec l'igname et les tissus. Et quelques couronnes de fleurs.
On se prélasse et on nage dans des eaux turquoises qui s'étendent  et s'étendent encore.
Lifou est un îlôt corallien, il y a beaucoup de grottes secrètes, que l'on découvre avec des guides. 
En stop, nous rencontrons Jules, qui se voit comme le parrain de Zahir, un ami le baptise Taihedreng, prénom en langue kanaque, qui signifie arbre du tonnerre...car il m'aide à cueillir des graines qui viennent de cet arbre.
Découverte des trous d'eau de Lengoni, une énergie spéciale se dégage du lieu, entourée de palétuviers...les esprits, les lutins, les croyances, la spiritualité!
Puis balade vers la baie de Jinek. Rando aquatique en masque et tuba, émerveillée par les jardins de coraux qui ressemblent à des roses des sables. Entre anémones, poissons clowns, coraux tabulaires ou massifs, poissons coffres, le baliste, les perroquets...
Les falaises de Jokin.
Le week end chez Antoine et Solène, les enfants d'un couple rencontré en NZ et le poste d'observation des baleines qui ne sont pas au rendez vous!
Les plages idylliques et désertes.

La piscine naturelle de la baie d'Oro, île des Pins


Une tortue bien curieuse sur l'îlot Maître!

Ile des Pins

Presqu'île de Kuto, île des Pins

lundi 17 avril 2017

 Pantalon des îles réalisé sur mesure pour Zahir! Il était très impatient de l'essayer...
 Coucher du soleil dans les Malborough Sounds


 Malborough Sounds...


Après 4 mois passés en France, Zahir s'est bien imprégné des siens et le lien avec les grands parents, cousins, tontons, amies est créé. J'en suis heureuse mais 4 mois c'est quand même long sans son Papa! 
Je passe un mois à Orcun, je revois les amis rencontrés avant notre départ, profite de l'eau fraîche des gaves, Zahir adore les framboises et les mûres, les fruits d'été...c'est un régal de retrouver la vie  paisible dans ces Pyrénées auprès des gens aimés!
j'écoute dans la nuit fraîche la fine eau du ruisseau, les brebis, les étoiles qui filent, l'odeur des herbes de la nuit et je prie de ma fenêtre! Je savoure cette vie paisble à la campagne...

Puis nous passons le reste du temps à Montpellier. Là, la Méditerrannée nous attend! Zahir rencontre les derniers grands oncles et tantes côté Ben Barek...on profite de la rivière et d'Abdou, de Lila qui descend dans le Sud, de Nadéra, Mustapha et Samir! Zahir aime nager avec moi dans sa bouée, on traverse aussi souvent le lac du Crès au milieu des canards qu'il observe curieux...
Il y a le départ de Papa à la Mecque et son retour auquel je peux assister aussi!
Septembre arrive et je m'inscris à la chorale "de la vida"...pour moi assister à un cours chaque semaine est quelque chose de nouveau, et j'apprécie tellement!
Je sors du cours en chantant, légère, je me réveille en chantant, je découvre que je retiens sans effort les paroles et les airs de nouvelles chansons, quel plaisir! Et les gens engagés de cette chorale sont attachants, chaleureux. Je les regrette.
Il y a les un an de Zaza, puis la cueillette des châtaignes dans les hauteurs de Lodève à l'occasion d'une visite dans la communauté de l'Arche avec Eli. Il y a le festival de l'école de la vie, et la découverte de Conrad et la confirmation que j'adore Tal Schaller, des rencontres chouettes pour Zahir et ses premiers câlins avec Céleste!
Et il y a les quelques jours à Marseille chez Carole, les premiers pas de Zahir et  la rencontre avec Amma à Toulon...
Les rencontres coup de coeur avec George et Matilda qui me guident vers des communautés en Nouvelle Zélande, et qui vivent sur un voilier à Cassis et celle de Rania qui a eu une expérience voilier aussi!
La découverte du café des Bébés et les ateliers lecture de la bibliothèque si lumineuse de Montpellier!

Puis le temps des retrouvailles approche...je prends mon billet pour le 29 novembre, on passera par Dubai chez Virginie et Denis, pour le plus  plaisir de Maxence et Zahir qui se retrouvent!
On découvre Dubai, les grands axes routiers, le béton, les buildings, l'Océan et le sable, les frangipaniers et le monde des affaires...et le quartier traditionnel sauvé par miracle au bord du canal avec le balai incessant des bateaux qui font les traversées et les mouettes...
J'y retrouve Michel et Laurence pour un voyage vers la Nouvelle Zélande en vol direct de 16h depuis Dubai...
Arrivés à Auckland, il nous reste plus de 5h de route pour Opua.
Là, direction la marina où Jérôme nous attend. Il a réussi sa longue traversée en solitaire...Comme à notre habitude, la joie de se retrouver fait vite place à de l'agacement!
Quelle tristesse! Je crois que ces 4 mois ont finalement accentué le côté indépendant de Jérôme et je ressens beaucoup de difficultés à ce que l'on coopère ensemble, en famille...

Nous devons maintenant quitter la Nouvelle Zélande dans un mois...que le temps passe vite.
Ce qui ressort pour ce pays, c'est de la fadeur et de la monotonie pour les paysages et la culture.
Le pays est si jeune, et insulaire, il y a donc moins d'influences culturelles si ce n'est celle des maoris.
La nature est belle, oh oui! Mais je la trouve peu diversifiée...on se régale dans les sources d'eau chaude, les cascades sont jolies, les fougères arborescentes, les kauri majestueux...
Il y a les kiwi, ces fameux oiseaux endémiques, les pohutukawa, des arbres qui fleurissent à Noel en jolis bouquets de fleurs rouges, les moules et les huitres énormes et délicieuses, les jacarandas, le jasmin et le chèvrefeuille qui me rappellent Madagascar et l'orient, l'humour et la bonne humeur des locaux, la simplicité de l'administration, qui rappelle celles  des pays anglo saxons, des fruits originaux: la banane passion qui a la forme d'une mini banane et qui est pleine de graines enrobées de pulpe, et le fejoa, qui me rappelle un peu le goût et l'apparence de la goyave.
Il y a les arbustes kawakawa et kumarahou que j'ai utilisé dans la confection des cosmétiques à Wilderland.
Et la joie de découvrir les Kindergarten, les playcenter et les playgroup avec Zahir...autant de structures d'acceuil pour les enfants qui manquent terriblement en France et avec une si belle philosophie, une ouverture et une grande liberté pour accompagner les enfants à grandir...
Ce serait une idée de créer ce genre de lieu en France un peu plus souple que Montessori et Steiner; d'après le témoignage des animatrices de ces lieux.
Voyager avec un enfant, c'est aussi avoir un contact plus large avec les locaux, ça ouvre de nouvelles portes que je n'aurai pas pousser sans Zahir! Bien que celles de l'hôpital, je m'en serai passée!!! Il se trouve que Zahir affectionne particulièrement les staphylococques...et nous avons eu droit à un tour d'hélico depuis Great barrier island jusqu'à Auckland Hospital, une opération pour désinfecter un abcès, et peut être une note salée à régler!
Nous sommes actuellement à Nelson, les villes sont vite envahies par la nature, c'est un plaisir de se retrouver au bord des rivières, sur des collines où agneaux et figuiers se fondent dans le paysage urbain. Zahir profite des matières et j'aime le laisser marcher à son rythme, au gré de ses découvertes entre flaques, bruissement de feuilles mortes, gravier...
Nous rencontrons de nombreuses personnes inspirantes...ça donne des idées pour la suite de notre vie, une sensation que tout est possible!
Entre le voilier et moi, ce n'est toujours pas le grand amour, je rencontre des mamans qui me rassurent (ou pas!) en me disant que c'est le pire âge avec un bébé pour la vie sur un bateau...j'ai le mal de mer et j'hésite à rester sur Tangaroa pour la prochaine traversée vers la Nouvelle Calédonie. Il paraîtrait que les "nav" de trois jours seraient les pires et que le mal de mer disparaîtrait après...avec la possibilité peut être d'apprécier du coup la vie à bord qui reprend!...Découvrir cette émotion pure en famille dans un cocon au milieu de l'océan?
J'aurais aimé m'aventurer vers les Fidji, les îles Salomon, la Papouasie Nouvelle Guinée, sur des îles plus sauvages et explorer, rencontrer les communautés primaires....mais avec Zahir je manque de confiance.
Nous irons bientôt rencontrer d'autres communautés, Riverside (la plus ancienne de NZ), Tui community et Global Nature. Toutes sont situées autour de la Golden Bay.

vendredi 24 mars 2017

Naviguer



Il n'est pas immédiat de tisser des liens avec la nature. Se promener dans les bois, marcher le long de la plage, ça va pour un dimanche. Pour être longtemps dans la nature, il faut aller chercher les liens et les tisser petit à petit. La mer c'est la nature sauvage comme il n'y en a plus beaucoup sur la terre. Il faut aller la chercher loin cette nature sauvage, sur les pics et glaciers, au Kamchatka. Sauvage et indomptée. C'est elle qui décide. 

La marche du voilier me lie à la mer et au vent. Le vent monte, prendre un ris, rouler le génois. Le vent retombe, rendre les ris, dérouler le génois, sortir l'artimon. Vent arrière, le Spi! Ca booste trois jours et puis plus rien. Une journée avec les vagues qui continuent et plus de vent. Les voiles qui claquent, les poulies qui frottent sur la coque. Radeau de la méduse. Impatience, j'hésite à lancer le moteur. J'hésite parce que c'est renoncer à la magie. Petit à petit les vagues qui se sont en allées, mer d'huile. Coucher de soleil. Une nuit de repos. Nouvelle énergie le matin, ranger le bateau, faire une lessive, un bon repas. Quelques réparations. Coucher de soleil, au lit! Trois heures du matin, une légère brise, je l'entend depuis ma couchette, le rêve du voyage qui renaît, reprendre la route. Sortir les voiles dans le noir, ciel couvert pas de lune pas d'étoiles. Le voilier qui glisse sur la mer plate, poussé par la brise de la nuit, retour au lit, une oreille qui reste à la veille, scrute les bruits de l'eau. Matin coup de vent. Je guette à l'horizon, on arrive aujourd'hui. Rien en vue. Et puis au cours de la journée je regarde sans plus y penser, et je vois la pointe d'une montagne sur l'océan. 

Tisser des liens pour être vraiment là dans cette nature sauvage. La pêche m'a beaucoup aidé. On imagine le chasseur dans une vallée perdue de Sibérie, comme Dersu Uzala de Akira Kurosawa. Aux aguets des bêtes sauvages. Les connaître pour les comprendre et les trouver. Pour les capturer et saisir avec elles l'essence de cette vie sauvage. Ces cerfs et ours que l'on mange sont la superstructure rusée de la terre et de la végétation. La chasse, une prise, et puis toutes les préparations pour manger et préserver. Ma première ouverture sur la pêche c'est l'ami Lukas qui me dit qu'il ne faut pas trop de ligne, juste trois ou quatre longueurs de bateau, parce que c'est le bateau lui même qui attire en premier l'attention du poisson. Depuis ce jours je garde intime en moi cette image du voilier vu par le poisson. Cinquante mètres de profondeur, une coque noire, sa quille et son safran fend les vagues. Qu'est-ce que c'est que ça? Curiosité, attrait. Je porte maintenant les deux visions, celle du capitaine et celle du poisson; les deux mondes qui se rencontrent à la peau de l'eau. 

On porte ces poissons en respect, ce sont des voyageurs eux aussi, les maîtres de l'onde (vassaux des baleines), qui migrent sur des milliers de kilomètres. Dans la bible de la pêche (The cruiser's handbook of fishing" de Scott et Wendy Bannerot), on nous dit: "vous trouvez ces espaces vides? Prenez un verre de cette eau et regardez là au microscope! Ou bien, restez sur place trois jours au milieu de l'océan quand il n'y a pas de vent, allumez une lumière la nuit et profitez du spectacle. 

Comment tisser des liens avec la nature sauvage? On peut profiter des quelques millions d'années inscrits dans nos gènes: guetter la proie, tendre un piège, observer, tenter. C'est très facile d'utiliser cet héritage là pour tisser le lien. C'est plus difficile quand on est végétarien et qu'on ne veut pas tuer. C'est facile de s'intéresser à tuer. C'est ce que j'ai trouvé de mieux pour le moment, après la marche du bateau. 

Plein de choix et de paramètres. Quel appât est le mieux adapté à la vitesse du bateau, à la lumière, à l'état de la mer? Quelle longueur de ligne? Une ligne fine est est plus discrète mais plus fragile. Perspective d'une ligne qui casse. Combien de lignes à la mer? Avec le risque qu'elles s'emmêlent. Il faut aller très vite lorsque le moulinet hurle ("screaming reels"): ralentir le bateau en gardant le cap. La sensation d'un être puissant au bout caché de la ligne. Il est dans son élément mais je suis du bon côté de la ligne. S'il est plus fort que ma ligne est résistante il faut le fatiguer. Le laisser aller quand il tire et le reprendre ensuite "Si tu te reposes, le poisson se repose aussi". Premier reflet argenté derrière le bateau, à travers les vagues, j'essaye de deviner de quel genre de poisson il s'agit. Un Thon, Un Mahi mahi (Daurade royale), un Marlin, un espadon... Les remerciements rituels et la mise à mort quand il est dans le cockpit. Bien faire attention à ne pas se blesser. Puis tout le travail du dépeçage et de la préservation. Un gros poisson nourrit pour plusieurs semaines. Moi, et les amis rencontrés ou retrouvés à la prochaine île.

Les jours se suivent et se ressemblent et ne se ressemblent pas. La fatigue qui monte et qui redescend selon les conditions. Le mouvement du bateau qui travaille au corps, profondément. Le mal de mer c'est la forme la plus reconnaissable de ce travail, la seule qui ait un nom. C'est comme si la mer prend ma glaise et la malaxe. C'est une forme de massage à l'intérieur. Les gens fort sur terre ne sont plus fort sur mer car il n'y a plus d'appui sûr pour les jambes. Il n'y a plus les fondations sur lesquelles faire reposer la maison, les idées. C'est le monde mouvant. Je ne décide plus, je me laisse faire et je fais de mon mieux. Je me rappelle cette phrase: "quelle effort faut-il faire pour se détendre?". Je pense aussi "ce n'est pas l'homme qui prend la mer, c'est la mer qui prend l'homme". Ce ne sont plus les mêmes choses que l'on peut faire et ne pas faire. Comment se couler dans le mouvement? Le voyage en voilier c'est ce chemin là. Certain s'y plaisent. Après une semaine il y a une île. Il me faut bien une autre semaine de cette île avant que revienne ce regard vers l'horizon. C'est le moment de repartir.


Bien que le GPS a changé la donne, prendre la mer reste quelque chose à quoi l'on s'engage avec un sentiment d'héroïsme. Tempêtes, récifs, nuit, courants, avaries, solitude. A quelle sauce vais-je être mangé? C'est ainsi que le mot "capitaine" gagne une résonance toute nouvelle, une teinte insoupçonnée. Humilité et persistance. Le capitaine Achab dit "Et si le soleil m'insultait, je le frapperait". 


Voyage de Whitianga à Wellington avec Sara, Zahir, Davin et Henning. Cinq jours de mer vers un sud de plus en plus venté, une mer de plus en plus creusée. Deux caps à passer; le cap Est et le cap Palisser. Je compare la somme de moments et d'événements, de tensions, de fatigues et de repos sur ce trajet, au même trajet que nous aurions fait en voiture. Je goûte cette comparaison et je m'en fait une analogie pour la vie d'avant le pétrole.  Je me souviens, juste avant le cap Palisser (ouverture vers le détroit de Cook). Pas de vent, moteur (parce que ce sont des lieux ou l'on ne traîne pas). Un champ de vagues qui nous vient de devant, annonciateur de la bascule sur l'autre côte du cap, puis le vent. On sort les voiles, au près dans les vagues. La coque qui tape et bientôt, tout le monde au lit à dormir, remède le plus efficace contre la nausée; même Zahir. Le silence du bord, le bateau rendu à sa tâche la plus naturelle. Je le laisse faire, il la connaît bien, il l'a dans le corps.

Jérôme.

mercredi 22 mars 2017

Capitaine





Salut les amis, je voudrais essayer de vous dire ce que ça me fait de vivre sur un bateau.

- Beaucoup de travail: il faut choisir entre entretenir et réparer. Une fois que chaque élément a cassé, on devient familier avec chaque élément et on se rend compte du soin que demande chaque élément. Un voilier est un agencement de plein d'éléments: c'est une coque qui flotte, mais c'est aussi un camion (gros moteur diesel, vidanges, alignement), c'est aussi un camping car (cuisine, toilettes et lits), c'est aussi une mobylette (l'annexe et son moteur hors-bord), c'est aussi une centrale électrique (panneaux solaires et éolienne, transformateurs, fusibles), c'est aussi une centrale hydraulique (dessalinisateur, tuyauterie, vannes, siphons), c'est aussi un garage de mécanique (tout réparer au milieu de l'océan ou dans une île perdue: pièces de rechanges, outils), il y a aussi les mâts et les voiles (qu'il faut manipuler comme on le ferait des ailes de papillon). Il y a des soins avec lesquels on ne peut pas transiger (pour se prémunir d'une coque qui prend l'eau, ou bien d'un mât dans l'eau). Et il y a les soins qu'on voudrait faire pour son plaisir de confort intérieur - et qui doivent attendre.  Un bon bateau est un bateau sur lequel il nous reste un tout petit peu de temps pour les soins du plaisir. Sur un bateau un peu moins fiable on court après les urgences. 

On m'a demandé comment choisir un bon bateau. Comme souvent, il faut en fait choisir un bon ex-propriétaire. Pour chaque manoeuvre-réparation-entretien il s'est retrouvé devant ce choix là: la manière rapide et sale, ou bien la manière longue et propre. Si l'ex-proprio a plus souvent choisi la seconde, alors le bateau vaudra quelque chose. Autrement, ce sera un nid de pièges. Entretenir prend du temps (et coûte de l'argent), alors que réparer coûte de l'argent (et prend du temps). Par contre ça peut être dangereux si ça casse au mauvais moment.

Je lis Gilbert Simondon qui a développé de chouettes idées sur la technique. Il y a technologie fermée, son symbole est la perte de garantie lorsqu'on brise le cachet pour l'ouvrir et voir ce qu'il y a dedans: la seule manière de le réparer c'est de le renvoyer à un réparateur agréé. La technologie ouverte c'est celle ou tout est accessible. Mon bateau est ouvert. Il y a des choses pour lesquelles il faut mettre les mains dans le cambouis;  ça se passe en fond de cale avec l'huile moteur, le diesel et le bitume mélangés en une pâte épaisse et sa sauce (élément "terre"). On hésite au début, mais on se familiarise rapidement, poussé par la nécessité, et on fini par la boire en siphonnant des tuyaux. Ca peut aussi se passer en haut du mât (élément "air"), quinze mètres au dessus des vagues à décoincer une drisse, sanglé, agrippé aux échelons, un pied en équilibre sur une barre de flèche. Ou alors c'est une fuite de plomberie, avec un goutte à goutte qui coule le long d'une varangue et il faut démonter tous les vaigrages pour en retrouver la source (élément "eau").

- Des responsabilités. J'ai navigué seul pendant les quatre premiers mois ("capitaine abandonné") , puis ensuite avec Sara et Zahir, et puis avec les équipages de rencontres. Un gros bateau (14m) me permet d'embarquer les amis que ça dit. Du coup, c'est les responsabilités de la sécurité de l'équipage, la marche des manoeuvres, la bonne humeur et le plaisir à bord. Etre ferme et très clair quand ça presse (parler peu et fort), être doux et enveloppant quand on peut. Etre le garant de la marche du bord.  Et surtout, se souvenir de céder immédiatement toute autorité dès lors que les amarres sont en place et le bateau au repos.

Je pense à la manière dont on se repose sur les institutions. L'institution de l'école, l'institution du travail, l'institution de la santé... Un espace balisé de barrières, d'auto-routes et de garde fous. Un peu comme la signalisation routière des rues de nos villes quand on les regarde avec un peu de recul. Sursaturation de signes et d'injonctions. En mer la signalisation se fait rapidement ténue en s'éloignant des ports. Ensuite c'est un espace de liberté et de dangers. Il s'y passe plein de choses: un poisson qui mord à la ligne de traîne. Le vent qui monte. Le vent qui tombe. Des vagues. Des levers et couchés de soleil. La routine de la nuit. Les lumières des cargos loin à l'horizon, ou bien alors trop près de notre route. Le mal de mer quand on est trop fatigué.

Une grande partie de ce qu'il faudrait savoir se trouve déjà incorporée dans la structure et les fonctions du bateau. Le bateau sait comment négocier les grandes vagues, le bateau sait comment éviter les surcharges sur le gréement. Parce que le bateau tel qu'il est, est né de beaucoup d'années d'évolution. Les recettes qui marchent (flottent) sont scrupuleusement notées dans l'architecture des voiliers, et si l'on ignore le pourquoi de tel détail, le bateau lui, le sait. C'est aussi cela l'inconscient collectif. L'architecture marine est une discipline conservatrice; c'est un poids (quand on est à terre et qu'on veut faire du nouveau qui brille) mais c'est une bénédiction (quand on est en mer et que le vent se lève). On s'en rend compte lorsqu'une grosse vague arrive par derrière et qu'on se dit "ou là là!", et que tout se passe bien. Ca se passe quelque part de caché entre les efforts combinés de l'eau sur la coque, de l'air dans la mâture et des moments d'inertie de tout le bastringue en fond de cale et dans les tiroirs.


Il est recommandé de se passer de superlatifs lorsqu'on parle de la mer; elle, en abuse trop facilement. Le capitaine du "typhon" de Conrad, honnête laboureur des lames, écrit à sa femme en fin de roman: "tout s'est bien passé à part quelque coup de vent en cours de route".

Jérôme.